Les Marines a Khe Sanh

Les Marines A Khe Sanh. François D'Orcival et Jean-François de Chaunac. Éditions Presse de la cité. 1979.



Je ne suis pas prédisposé pour lire du D'Orcival, mais la curiosité est plus forte, et surtout, les aprioris ne sont jamais bonnes conseillères.
Bref, voilà un livre dont je m'étonne ici qu'il n'est jamais été présenté, car sur ce beau forum, le "Marines" n'est jamais oublié, d'ailleurs ZAM en avait fait même une tenue!



Agréable surprise pour ce livre !
Les auteurs s'appuient en grande partie sur les témoignages et compte rendu US qui en 79, soit plus de 10 ans après la bataille sont accessibles.
Les auteurs sont très enthousiastes vis à vis des Marines, presque fanatiques même, tant ils brossent un portrait extrêmement lénifiant sur ce corps d'armée US, mais ils arrivent par la précision et la rigueur de leurs informations à nous faire passer la pilule sans que cela devienne une partie pris qui aurait pu être grotesque à la longue.

Le livre s'articule sur deux grands axes sans surprises : La mise ne place du camp et de ses ambitions stratégiques, et le siège et ses péripéties.

Les premiers chapitres sont un peu techniques, avec beaucoup de données sur les surfaces, les tonnages, les configurations qui sont mise en parallèle avec la politique US et ses revirements et phantasmes stratégiques.



Mais au fil des pages, lorsque les auteurs s'attachent aux hommes et à certains épisodes de cette bataille, cela devient presque romanesque et l'on est aspiré dedans comme le Marine pris dans la boue de ses tranchées.

La bataille de Khe Sanh faisant partie de l'offensive du Têt, les auteurs font aussi des digressions assez intéressantes sur ce qui se passe au même moment à des centaines de kilomètres du camp retranché, et nous livrent par exemple un récit exaltant de la tentative de la prise de l'ambassade US à Saïgon par le Viet-cong et comment les combats virent au corps à corps, avec une sauvagerie intense.



Pour les descriptions de la bataille autour du camp retranché, on s'extasie à la fois du dispositif technique et structurel US qui ne lésine pas sur le matériel et noie littéralement les hommes de Giap sous un déluge d'acier.
Le dispositif de radar et de télécommunication permet aussi au camp de larguer les vivres et munitions par tous les temps, même part un brouillard à couper au couteau, ce qui désespère les Bodoïs qui contrairement à Dien Bien Phu ne peuvent qu'entendre sans pouvoir pointer.

C'est dans le FSCC (Fire Support Coordination Center) que tout se décide. Dans ce centre formé de container qui se trouve enterré à 4 mètres sous terre que tout se passe, que tout est reçu et transmis, que ce soit la météo, les observations des postes avancés, des vigies, des comptes rendus de patrouilles, des observations aériennes. Tout est passé au crible et les ordres fusent aussi rapidement qu'un tir de mortier.



Ces télécommunications qui permettent de gérer en simultané l'artillerie qui roule comme "une piston dans une seringue" sur l'ennemi, et l'aviation qui foudroie à la suite des bataillons entiers d'assaillants ou protège le retour d'une patrouille ou d'une mission.
On s'extasie encore devant le talent de certains hommes qui sont là pour un don comme par exemple "Pineapple Chunk", un caporal d'origine Samoa qui arrive à la jumelle à détecter des positions d'artillerie ennemie à 12 kilomètres !!

Une anecdote à retenue particulièrement mon attention : cela se passe à la mi-février, une nuit une M60 se met à tirer à sans discontinuer. Un sergent se précipite dans la casemate incriminée pour savoir qui est le dinguo qui veut faire fondre son fût en tirant comme ça.
Il découvre un lieutenant qui lui explique que des sapeurs étaient en train de cisailler les barbelés, mais que maintenant tout était réglé.
Mais derrière les barbelés, voilà qu'une plainte s'élève. Un homme agonise. Le sergent prend alors un lance grenade, le charge, scrute la nuit. "La cartouche part avec un bruit de pétard mouillé. Deux secondes plus tard, à deux cents mètres devant, un flash orange et bleu lèche la terre déjà bouleversée. Le fracas de l'explosion emporte avec lui le gémissement horrible."

Je pense que beaucoup d'entre vous ont revue en lisant ces quelques lignes une séquence du film de Francis Ford Coppola, Apocalypse Now. Donc on peut imaginer que le réalisateur avait lu lui aussi ce même compte rendu dans les archives des Marines de Khe Sanh pour les retranscrire dans son intrigue.



En conclusion un livre vraiment aussi instructif que plaisant à lire. S'il vous prend l'envie de l'ouvrir, prenez soin de lire attentivement à la fin du livre la conclusion du Général Victor H. Kurlak "Stratégie de la guerre par procuration" qui est jugement sans concession sur l'action Américaine au Vietnam, d'une clairvoyance pertinente sur cette guerre en générale, car Khe Sanh est un exemple de victoire US comme les politiques auraient aimé en avoir sur l'ensemble du territoire. Mais le Vietnam n'était pas un camp retranché, mais un pays.

Bonne lecture.

Merci de la review. J'hésitais à le prendre je vais me laisser tenter du coup.

Ah oui, très belle chronique effectivement !
Merci Javel

Merci javel

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pour 5.98 euros (port gratuit)

papouner a écrit:Merci javel

je viens de le commandé sur https://shop.labourseauxlivres.fr/

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La culture à pas chère! Bravo.

javel a écrit:Mais derrière les barbelés, voilà qu'une plainte s'élève. Un homme agonise. Le sergent prend alors un lance grenade, le charge, scrute la nuit. "La cartouche part avec un bruit de pétard mouillé. Deux secondes plus tard, à deux cents mètres devant, un flash orange et bleu lèche la terre déjà bouleversée. Le fracas de l'explosion emporte avec lui le gémissement horrible."

On retrouve précisément cette scène (toujours pendant le siège de Khe San) dans "Putain de Mort" de Michael Herr (1980) :



Je cite:

« Un niacoué, a dit Mayhew. Vous le voyez, regardez là, sur le fil là-bas ?»
Je ne pouvais rien voir là-bas, aucun mouvement et le cri avait prix fin . Comme la fusée s’éteignait, le sanglot a repris, il est vite monté jusqu’au hurlement .

Un Marine nous a frôlé . Il avait une moustache et un morceau de parachute camouflé en guise de foulard, et un étui sur la hanche avec un lance-grenades M-79. Une seconde, j’ai cru avoir des visions. Je ne l’avais pas entendu venir et j’essayais maintenant de voir d’où il était sorti, sans succès. Le M-79 était raccourci et avait une crosse spéciale. De toute évidence c’était un objet précieux, on voyait le travail fait dessus aux reflets des fusées éclairantes. Le Marine avait un air sérieux, mortellement sérieux, il avait la main droite au-dessus de l’étui, en attente. Le cri s’était arrêté de nouveau.
« Attendez, a-t’il dit. Je vais l’arranger, cet enculé.»
Il avait maintenant la main sur la crosse. La plainte a repris, et le hurlement, nous avions compris : le Nord-Vietnamien criait sans arrêt la même chose et nous n’avions pas besoin de traducteur pour comprendre.
« Le mettre à sa place, cet enculé », a dit le Marine comme pour lui-même.
Il a tiré son arme, ouvert la culasse et mis une cartouche qui ressemblait à une balle énorme et gonflée, tout en écoutant le cri avec une très grande attention. Il a posé le M-79 sur son avant-bras gauche et a visé une seconde avant de tirer. Il y a eu un éclair gigantesque sur le barbelé à 200 mètres de là, une gerbe d’étincelles orange, puis tout est redevenu silencieux sauf pour le grondement des bombes qui tombaient à plusieurs kilomètres de là et le bruit du M-79 qu’il a ouvert, refermé et remis dans son étui. Rien n’avait changé sur le visage du Marine, rien, et il est rentré dans l’obscurité.

« Il l’a eu, a dit Mayhew doucement. Mec, t’as vu ça ? »
Et j’ai dit oui (en mentant), c’est quelque chose, vraiment quelque chose.
Mayhew a regardé une dernière fois le barbelé mais le silence qui venait d’en face a fini par lui dire quelque chose. Il s’est passé mollement les doigts sur le visage, on aurait dit un gosse devant un film d’horreur. Je lui ai touché le bras et nous sommes rentré à l’abri pour prendre un peu de cette espèce de sommeil.

Merci pour l'article

Merci Javel pour cette belle review, ça nous manquait ! Un des premiers livres que j'ai lu à mes débuts de collectionneurs car en Français. De mémoire il y a avait des petites horreurs de traduction comme des musettes à claymore, une M16 ou ce genre de choses qui crissaient à mes oreilles sensibles de collectionneur. Mais j'ai aussi souvenir d'un livre bien détaillé sur les événements historiques avec de bonnes anecdotes et prenant aux tripes.

Puff a écrit:Merci Javel pour cette belle review, ça nous manquait ! Un des premiers livres que j'ai lu à mes débuts de collectionneurs car en Français. De mémoire il y a avait des petites horreurs de traduction comme des musettes à claymore, une M16 ou ce genre de choses qui crissaient à mes oreilles sensibles de collectionneur. Mais j'ai aussi souvenir d'un livre bien détaillé sur les événements historiques avec de bonnes anecdotes et prenant aux tripes.

Oui tu n'as pas tord, les auteurs sont visiblement plus fort pour ce qui est du GROS matériel! Les duels d'artilleries les ont visiblement passionnés, et d'ailleurs, c'est un des rare livre où j'arrive à bien comprendre justement la technique et tactique "du gros canon", ce qui rend la vue d'ensemble très intéressante. Ils soulignent aussi, en rapportant ce que leur on livré les archives, que sans ce déluge de feu, Khe Sanh était voué à suivre la même destinée que Dien Bien Phu. Pour une fois, le sacrifice français leur à au moins fait comprendre quelque chose. Le Commandant David Lownds (26eme R. de Marines) dira : "Dien Bien Phu connait pas!" Cette provocation voulait dire tout à fait le contraire! Son histoire pour le coup, il la connaissait sur le bout des doigts et le Viet-Cong à eu beaucoup de mal à manœuvrer et il s'en est pris plein la gueule en essayant des tactiques pourtant éprouvées par le passé.

Sneeden a écrit:

javel a écrit:Mais derrière les barbelés, voilà qu'une plainte s'élève. Un homme agonise. Le sergent prend alors un lance grenade, le charge, scrute la nuit. "La cartouche part avec un bruit de pétard mouillé. Deux secondes plus tard, à deux cents mètres devant, un flash orange et bleu lèche la terre déjà bouleversée. Le fracas de l'explosion emporte avec lui le gémissement horrible."

On retrouve précisément cette scène (toujours pendant le siège de Khe San) dans "Putain de Mort" de Michael Herr (1980) :
[img]https://i.servimg.com/u/f59/20/07/03/50/s-l16010.jpg

Bien vu, Bro !

Bien vu pour Putain de Mort, j'avais en effet cette scène en tête dans ce bouquin.

Puff qu'est-ce qui ne va pas dans musette à Claymore? Même si ce terme n'est pas utilisé par les collectionneurs c'est bien une musette? Et au moins ils n'ont pas traduit claymore par grande épée (le sens original du mot).

Beezman a écrit:Puff qu'est-ce qui ne va pas dans musette à Claymore? Même si ce terme n'est pas utilisé par les collectionneurs c'est bien une musette? Et au moins ils n'ont pas traduit claymore par grande épée (le sens original du mot).

Je dois être allergique à ce langage désuet qui me ramène plus aux champs de batailles napoléoniens qu'à ceux du XXème siècle... Mais bon, c'est l'exemple qui m'était revenu en tête, il y a-en avait d'autres il me semble, mais ça remonte...