Les Carnets Retrouvés
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Les Carnets Retrouvés
Merci à Aubrey l'érudit de m'avoir orienté vers ce livre.
Les Carnets Retrouvées (1968-1970) de DANG Thuy Trâm
C'est un livre posthume car c'est la publication de deux journaux intimes d'une jeune Chirurgien de campagne, récupérés après qu'elle ai été abattue par un soldat sud Vietnamien après le 20 juin 1970.
C'est un sacré concours de circonstance qui nous permet aujourd'hui de pouvoir lire ce témoignage assez rare d'une Vietcong, femme de surcroît.
Ce livre ne traduit que deux carnets, car Thuy Trâm est venu d'Hanoï en 66, et deux précédents carnets ont été égarés lors d'une attaque Américaine sur un hameau où était installé son hôpital de campagne.
Thuy Trâm fait partie de la bourgeoisie d’Hanoï, cultivé, diplômée, elle fait partie d'une classe minoritaire du peuple Vietnamien de cette époque, et d'ailleurs elle en exprimera à la fois une honte vis à vis des combattants qu'elle soigne, mais aussi d'une grande frustration puisque ses origines ralentissent son ascension au sein du partie communiste Vietnamien, passage obligé pour pouvoir devenir cadre et plus actif au sein de la résistance.
À Duc Phö en 1970, un officier du renseignement va brûler des documents Vietcong classés comme sans intérêt militaire, mais son assistant, le sergent Nguyen lui dit de ne pas brûler ces carnets car "il y a déjà le feu dedans". Intrigué, l'officier garda les deux carnets et son sergent les lui lu le soir. "Pour parler franchement je suis tombé amoureux d'elle" avoua-t-il plus tard, et contre tout règlements il emporta les documents après son service en 72.
Après une carrière dans le FBI, ce n'est qu'en 1990 qu'il revint vers les carnets, oubliés dans un tiroir d'un secrétaire et se décida à les faire traduire, publié, et rechercher la famille de Thuy.
Ce livre fut publié au Vietnam et eu un succès sans précédent car la nouvelle génération Vietnamienne découvris la guerre sans les lourdeurs de la propagande, et jamais auparavant, elle n'avait été touchée par autant sincérité, de doute, et quelque part d'une souffrance qu'il pouvait vraiment comprendre et appréhender.
Les Carnet de Dang Thuy Trâm sont avant tout un recueil que l'on pourrais qualifier de philosophique tant ses doutes et ses questionnement sur le sens de sa vie au centre de cette guerre est omniprésent.
Mais c'est avant tout une femme, et bien que pudique dans ses descriptifs, elle nous livre ses vrais sentiments, celle d'une femme en quête d'amour, désespérée par un premier amour que la guerre avait transformé et qui s'était détourné d'elle.
Page après page, cette femme d'un courage extraordinaire, soignant des blessés polytraumatisés graves dans des conditions sanitaires incroyables, se lamente secrètement de la perte de sa jeunesse, de la disparition quotidienne des gens avec qui elle crée des liens et dont elle apprend constamment leurs disparitions.
Elle écrit: "Le chagrin a creusé mon cœur comme la pluie de mousson, impitoyable, creuse un sillon profond dans la terre. Je voudrais connaître une joie insouciante mais je n'y parviens pas. [.] Pourquoi suis-je toujours cette enfant rêveuse qui exige trop de la vie."
Elle se veut exemplaire, et durant toute sa mission elle devra faire bonne figure alors que le doute la torture, mais sont engagement par contre lui restera sa force qui sera sa fondation et lui permettra sûrement de surpasser tout les obstacles.
D'ailleurs elle écrit un texte qui m'a interloqué tant il pourrait correspondre à tout type de résistance, et étrangement rentre en reconnaissance avec notre actualité:
Thuy Trâm parle de la mort avec une simplicité que l'on pourrait qualifier de douce brutalité:
17 mai 68
Parfois, accablée par un événement plus dur encore que la mort qu'elle a l'habitude de côtoyer, elle rend la description plus rugueuse et elle écrit le 29 juillet 1969:
Cet extrait reste néanmoins exceptionnel et marque un traumatisme que cette chirurgien, pourtant habituée à voir des corps lacérés, ne peut qu’exorciser cet épisode que par l'écrit.
L'ensemble de son journal reste au contraire mélancolique, et sa relation aux autres est toujours très romantique.
Beau témoignage qui montre la force extraordinaire des femmes dans le combat, et surtout leurs pudeurs, loin des héroïsmes toujours appuyés des propagandes guerrière.
Je ne peux m'empêcher de vous livrer les dernières phrases de ces carnets qui montrent qu'après tout ses doutes, toutes ses épreuves, l'auteure nous exprime en premier lieu le besoin de tout homme et femme: Celui de l'amour fraternel qui éloigne de la solitude.
20 juin 1970:
En conclusion un beau récit sur le quotidien de "l'arrière" Vietcong avec beaucoup de détails sur les manières d'échapper, ou non, aux attaques, aux manières de gérer les combattants, les emplacements et par dessus tout les rapports entre chaque intervenant, qu'ils soient simples paysans, mères, médecins, combattants ou cadres du partie.
Une belle écriture aussi, simple, d'une grande retenue qui ne cherche pas l’apitoiement ni la pitié, et tricote un récit avec élégance au dessus d'un océan d'acier, de sang et de boue.
Les Carnets Retrouvées (1968-1970) de DANG Thuy Trâm. Éditions Picquier Poche. 2012. Traduit par Jean Claude Garcias. 299 pages.
Je recommande aussi un roman qui rejoint la délicatesse de ces carnets: Riz Noir
Les Carnets Retrouvées (1968-1970) de DANG Thuy Trâm
C'est un livre posthume car c'est la publication de deux journaux intimes d'une jeune Chirurgien de campagne, récupérés après qu'elle ai été abattue par un soldat sud Vietnamien après le 20 juin 1970.
C'est un sacré concours de circonstance qui nous permet aujourd'hui de pouvoir lire ce témoignage assez rare d'une Vietcong, femme de surcroît.
Ce livre ne traduit que deux carnets, car Thuy Trâm est venu d'Hanoï en 66, et deux précédents carnets ont été égarés lors d'une attaque Américaine sur un hameau où était installé son hôpital de campagne.
Thuy Trâm fait partie de la bourgeoisie d’Hanoï, cultivé, diplômée, elle fait partie d'une classe minoritaire du peuple Vietnamien de cette époque, et d'ailleurs elle en exprimera à la fois une honte vis à vis des combattants qu'elle soigne, mais aussi d'une grande frustration puisque ses origines ralentissent son ascension au sein du partie communiste Vietnamien, passage obligé pour pouvoir devenir cadre et plus actif au sein de la résistance.
À Duc Phö en 1970, un officier du renseignement va brûler des documents Vietcong classés comme sans intérêt militaire, mais son assistant, le sergent Nguyen lui dit de ne pas brûler ces carnets car "il y a déjà le feu dedans". Intrigué, l'officier garda les deux carnets et son sergent les lui lu le soir. "Pour parler franchement je suis tombé amoureux d'elle" avoua-t-il plus tard, et contre tout règlements il emporta les documents après son service en 72.
Après une carrière dans le FBI, ce n'est qu'en 1990 qu'il revint vers les carnets, oubliés dans un tiroir d'un secrétaire et se décida à les faire traduire, publié, et rechercher la famille de Thuy.
Ce livre fut publié au Vietnam et eu un succès sans précédent car la nouvelle génération Vietnamienne découvris la guerre sans les lourdeurs de la propagande, et jamais auparavant, elle n'avait été touchée par autant sincérité, de doute, et quelque part d'une souffrance qu'il pouvait vraiment comprendre et appréhender.
Les Carnet de Dang Thuy Trâm sont avant tout un recueil que l'on pourrais qualifier de philosophique tant ses doutes et ses questionnement sur le sens de sa vie au centre de cette guerre est omniprésent.
Mais c'est avant tout une femme, et bien que pudique dans ses descriptifs, elle nous livre ses vrais sentiments, celle d'une femme en quête d'amour, désespérée par un premier amour que la guerre avait transformé et qui s'était détourné d'elle.
Page après page, cette femme d'un courage extraordinaire, soignant des blessés polytraumatisés graves dans des conditions sanitaires incroyables, se lamente secrètement de la perte de sa jeunesse, de la disparition quotidienne des gens avec qui elle crée des liens et dont elle apprend constamment leurs disparitions.
Elle écrit: "Le chagrin a creusé mon cœur comme la pluie de mousson, impitoyable, creuse un sillon profond dans la terre. Je voudrais connaître une joie insouciante mais je n'y parviens pas. [.] Pourquoi suis-je toujours cette enfant rêveuse qui exige trop de la vie."
Elle se veut exemplaire, et durant toute sa mission elle devra faire bonne figure alors que le doute la torture, mais sont engagement par contre lui restera sa force qui sera sa fondation et lui permettra sûrement de surpasser tout les obstacles.
D'ailleurs elle écrit un texte qui m'a interloqué tant il pourrait correspondre à tout type de résistance, et étrangement rentre en reconnaissance avec notre actualité:
Ce texte à été écrit le 29 MAI 68. Étrange coïncidence alors qu'a Paris on montait des barricades pour espérer changer de société."pourquoi? Pourquoi, alors que nous avons raison et sommes les plus nombreux, laissons-nous une minorité avoir le dessus? Pourquoi laissons-nous ces gens mesquins et malfaisants mettre à mal la communauté? Bien sûr, partout il y a des gens bien et de mauvaises gens, bien sûr, les dissensions sont normales dans une société, mais ce n'est pas une raison pour nous soumettre. Notre devoir est de nous battre pour ce qui est juste et raisonnable. Pour gagner, il faut jeter toutes nos forces dans la bataille, il nous faut réfléchir et sacrifier notre intérêt personnel, parfois même notre vie, pour que triomphe la justice et le droit."
Thuy Trâm parle de la mort avec une simplicité que l'on pourrait qualifier de douce brutalité:
17 mai 68
" La guerre se poursuit. Elle ne cesse de frapper tous les jours, à chaque heure et à chaque minute. Pas plus tôt qu'hier soir, Thin et Son bavardaient tranquillement avec nous.Thin me demandait de lui acheter du tissu pour faire une chemise. Cette nuit ils ne sont plus que deux corps sans vie qui reposent sur la terre de Duc Phô. C'était la première fois qu'ils mettaient les pieds ici."
Parfois, accablée par un événement plus dur encore que la mort qu'elle a l'habitude de côtoyer, elle rend la description plus rugueuse et elle écrit le 29 juillet 1969:
"Ce matin, on m'a amené un soldat blessé dont tout le corps avait été brûlé par une bombe au phosphore. Une heure après avoir été frappé, il brûlait toujours. La fumée continuait à s'échapper de son corps en volutes denses. [.] Personne ne reconnaîtrait le joyeux et séduisant garçon qu'il était: Aujourd'hui, ses yeux noirs et rieurs se réduisait à deux petites cavités, les paupières jaunes et parcheminées sont mortes, une odeur persistante de phosphore continue de s'échapper du corps, ce corps qui semble avoir été rôti dans un four.
[.] Sa mère est éplorée, ses mains tremblantes touchent tout le corps de son fils, des lambeaux de chaire se détachent."
Cet extrait reste néanmoins exceptionnel et marque un traumatisme que cette chirurgien, pourtant habituée à voir des corps lacérés, ne peut qu’exorciser cet épisode que par l'écrit.
L'ensemble de son journal reste au contraire mélancolique, et sa relation aux autres est toujours très romantique.
Beau témoignage qui montre la force extraordinaire des femmes dans le combat, et surtout leurs pudeurs, loin des héroïsmes toujours appuyés des propagandes guerrière.
Je ne peux m'empêcher de vous livrer les dernières phrases de ces carnets qui montrent qu'après tout ses doutes, toutes ses épreuves, l'auteure nous exprime en premier lieu le besoin de tout homme et femme: Celui de l'amour fraternel qui éloigne de la solitude.
20 juin 1970:
"Non je ne suis plus une enfant, j'ai grandi et je me suis fortifiée au milieu des épreuves, mais en ce moment, j'ai l'immense besoin de sentir la main aimante de ma mère. [Voilà quatre années que DANG Thuy Trâm est au Sud Vietnam loin de sa famille.]
Même la main d'une amie chère ou, à la rigueur, d'une de mes connaissances me suffirait. Venez à moi, serrez-moi la main en ce moment de solitude, donnez moi l'amour et la force de traverser les étapes périlleuses de cette route qui est devant moi."
En conclusion un beau récit sur le quotidien de "l'arrière" Vietcong avec beaucoup de détails sur les manières d'échapper, ou non, aux attaques, aux manières de gérer les combattants, les emplacements et par dessus tout les rapports entre chaque intervenant, qu'ils soient simples paysans, mères, médecins, combattants ou cadres du partie.
Une belle écriture aussi, simple, d'une grande retenue qui ne cherche pas l’apitoiement ni la pitié, et tricote un récit avec élégance au dessus d'un océan d'acier, de sang et de boue.
Les Carnets Retrouvées (1968-1970) de DANG Thuy Trâm. Éditions Picquier Poche. 2012. Traduit par Jean Claude Garcias. 299 pages.
Je recommande aussi un roman qui rejoint la délicatesse de ces carnets: Riz Noir
Dernière édition par javel le Mar 24 Mai 2016 - 13:52, édité 2 fois
javel- Messages : 3243
Date d'inscription : 28/06/2013
Age : 54
Localisation : Le maquis
Re: Les Carnets Retrouvés
Merci Javel
Comme à ton habitude tu nous gâtes
Amicalement Lt john
Comme à ton habitude tu nous gâtes
Amicalement Lt john
LT John Rinney- Messages : 1236
Date d'inscription : 12/02/2011
Localisation : Forest of Assassins
Re: Les Carnets Retrouvés
LT John Rinney a écrit:
Comme à ton habitude tu nous gâtes
Amicalement Lt john
De rien, mais qu'est-ce que je ne ferais pas pour voir ton avatar.
javel- Messages : 3243
Date d'inscription : 28/06/2013
Age : 54
Localisation : Le maquis
Re: Les Carnets Retrouvés
javel a écrit:LT John Rinney a écrit:
Comme à ton habitude tu nous gâtes
Amicalement Lt john
De rien, mais qu'est-ce que je ne ferais pas pour voir ton avatar.
C'est ça les Formes Spéciales
Amicalement Lt John
LT John Rinney- Messages : 1236
Date d'inscription : 12/02/2011
Localisation : Forest of Assassins
Re: Les Carnets Retrouvés
C'est Superbe Javel et je rejoins parfaitement tes impressions.
A lire absolument !
A lire absolument !
Aubrey101- Messages : 317
Date d'inscription : 17/07/2015
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